
En 2030, la population de la France représentera 0,8 % de la population mondiale. Il est vaniteux et absurde de penser que les disproportions de population seraient sans effet sur le sort des nations, leur rayonnement et leur puissance ; en un mot sur leur capacité à faire prévaloir leur mode de vie.
Je regrette que l’Angleterre ait décidé de quitter l’Union européenne car elle y avait la place naturelle que l’histoire lui a destinée malgré son isolationnisme traditionnel. L’Europe ne sera plus la même sans elle alors qu’on ne compte plus ce qu’elle lui a apporté.
Pour la première fois, cette grande nation accepte que le Continent s’organise sans elle ! Mais pour la première fois aussi, elle s’est abandonnée à la roulette du référendum, si contraire à son génie de la démocratie représentative. Elle s’étonne elle-même de ce qui lui arrive au point que, la victoire venue, personne n’avait imaginé de voir les vainqueurs prendre la fuite au triple galop.
Le référendum est l’instrument favori des populistes, car il permet de détourner la réponse à la question posée.
L’Angleterre se sépare de l’Europe mais auparavant elle s’était elle-même divisée profondément et là est la leçon pour la France. La métropole londonienne, beaucoup plus avancée et efficace que la parisienne, a voté « remain » tandis que le reste du pays votait « Brexit », à l’exception de l’Ecosse et pour des raisons plus anciennes.
La métropole est le dernier avatar du centralisme le plus extrême et le plus sophistiqué,
devenu l’instrument de pouvoir d’une élite faussement savante
Fracture géographique. Le phénomène métropolitain, tellement en phase avec la mondialisation, se coupe brutalement des racines nationales en créant une fracture géographique, économique et sociale et provoque un sentiment d’abandon au-delà de ses limites. La métropole est le dernier avatar du centralisme le plus extrême et le plus sophistiqué, devenu l’instrument de pouvoir d’une élite faussement savante.
Avis à tous les centralisateurs impénitents, apôtres de la massification et qui oublient que la démocratie ne peut vivre sans un minimum de proximité et de culture de la différence.
Pour la Grande-Bretagne, l’aventure incertaine commence. Elle menace l’unité nationale et met déjà en difficulté la livre sterling, au risque de graves perturbations de tous ordres, et pourtant le Brexit n’est même pas mis en œuvre.
La France n’est pas en situation de donner la leçon à l’Angleterre : en 2005, elle a rejeté, aussi par référendum, le projet de réforme constitutionnelle de la gouvernance européenne, et ce n’est pas le traité de Lisbonne ratifié en 2007 qui a réparé les dégâts. Notre crédibilité est également atteinte quand nous reportons d’échéance en échéance nos engagements de réduire notre déficit et notre endettement.
L’Europe qui pèse pourtant 22 % du PIB mondial s’efface chaque jour un peu plus de la scène internationale,
sans que nos nations n’aient la force ou la volonté de la remplacer
C’est vrai, même pour les soutiens de la construction européenne, le fonctionnement de l’institution est bien souvent frustrant et décevant, voire parfois désespérant. Mais ce sont les gouvernements nationaux eux-mêmes qui ne souhaitent pas une gouvernance plus efficace et jouent de difficultés dont ils sont souvent à l’origine.
Pratiques cyniques et irresponsables. Tandis que se poursuivent ces pratiques cyniques et irresponsables, l’Europe qui pèse pourtant 22 % du PIB mondial s’efface chaque jour un peu plus de la scène internationale, sans que nos nations n’aient la force ou la volonté de la remplacer.
Et notre pays recule régulièrement dans les classements mondiaux. En 2016, la France n’est plus que 9e puissance économique mondiale, en parité de pouvoir d’achat.
En 2030, la population de la France représentera 0,8 % de la population mondiale. Il est vaniteux et absurde de penser que les disproportions de population seraient sans effet sur le sort des nations, leur rayonnement et leur puissance ; en un mot sur leur capacité à faire prévaloir leur mode de vie.
Il est vrai aussi que la part de l’Europe dans la population mondiale est passée de 20 % à 10 % entre 1960 et 2015. Il est plus tard que les eurosceptiques ne le pensent.
Redressement de pair. Ces vérités sont pénibles mais à refuser de les voir on ne se guérit pas. Le redressement de la France et celui de l’Union européenne vont nécessairement de pair. C’était d’ailleurs la conviction des fondateurs.
Que faut-il faire ? Comme le dit Guy Verhofstadt, l’ancien Premier ministre belge, le problème est d’abord institutionnel. Le nom de la Commission européenne dit bien ce qu’elle n’est pas : un gouvernement. Là est bien la difficulté, installée par des gouvernements nationaux qui ne supportent d’autre légitimité que la leur.
Alors que la question de la sécurité inquiète de plus en plus et que le terrorisme se joue des frontières intérieures, Europol demeure une simple plate-forme d’échange d’informations et ne mène pas d’enquêtes. Ils sont à peine 800 pour toute l’Europe.
Il manque à l’évidence une gouvernance économique de l’Union monétaire pour créer un minimum d’harmonie
Toutes les semaines, de bons esprits proposent de renforcer nos mesures de sécurité, sans égard pour les libertés individuelles. Ils ne savent plus quoi inventer pour faire croire qu’ils maîtrisent la situation, mais s’il faut imaginer la création d’un FBI européen, alors l’accusation fuse : « fédéraliste », quasiment traître !
Des bandes organisées et criminelles exploitent la misère humaine en poussant de pauvres gens dans une immigration sauvage qui conduit trop souvent à la mort. Mais créer un corps européen de gardes-frontières et de garde-côtes pour faire la chasse à ces odieux criminels, ce serait une atteinte à notre souveraineté, nous dit-on.
Fuite en avant. Sans l’euro, la France aurait déjà dévalué plusieurs fois ; certains spécialistes de la fuite en avant le regrettent mais l’euro nous a donné la stabilité sans laquelle une croissance durable est impossible. Et pourtant notre monnaie est fragilisée par des politiques économiques disparates ; l’euro recouvre des fiscalités hétéroclites, génératrices de tensions. Il manque à l’évidence une gouvernance économique de l’Union monétaire pour créer un minimum d’harmonie.
La mondialisation est un gigantesque défi que la France ne peut affronter seule. Ce sont les valeurs épanouies dans cette Europe querelleuse mais géniale qui sont le fondement de la civilisation occidentale et qui font notre fierté. D’autres cultures s’élèvent et s’imposent parfois avec brutalité. Les autruches vivent au jour le jour mais finissent chez le boucher après avoir été plumées.
Refuser la réalité est mortel.